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lundi 21 mars 2016

De l'esprit de Philadelphie...

 ....Au consensus de Washington 
                                                         Deux logiques politiques et sociales opposées.
    En mai 1944, avait lieu à Philadelphie la Déclaration de l’Organisation Internationale du Travail, à la fin d'une guerre qui touchait à sa fin avec son cortège d'horreurs.
     Un guerre dont le fascisme allemand fut le principal initiateur, conséquence d'un terrible désordre financier, dont la source fut la décision US en crise de retirer ses importants fonds bancaires à Berlin, ce qui créa le chaos et facilita la montée d'un petit parti qui allait connaître une aventure sinistre.
     A Philadelphie, on voulait  instaurer un nouveau socle démocratique Ce texte, première déclaration internationale des droits à vocation universelle, a un caractère pionnier dans la mesure où il entendait faire de la justice sociale l’une des pierres angulaires de l’ordre juridique international. Affirmant que « le travail n’est pas une marchandise » et qu’« une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale », ce texte, qui introduit la notion de « sécurité économique », revêt une singulière actualité aujourd’hui, comme le dit Alain Supiot.
    Dans le même esprit que le CNR (le conseil National de la Résistance) en France, posant les principes d'une logique politique et économique en rupture avec les pratiques d'avant-guerre, , les bases d'une vie sociale nouvelle.
     Face au marché total   il s'agissait à Philadelphie d'établir les fondement d'une démocratie réelle où l'homme et ses besoins essentiels seraient au centre d'une économie à son service, libérée de la course aux profits au service d'une caste de privilégiés, régulièrement source de crises..
   ...Ce texte américain, première déclaration internationale des droits à vocation universelle, a un caractère pionnier dans la mesure où il entendait faire de la justice sociale l’une des pierres angulaires de l’ordre juridique international. Affirmant que « le travail n’est pas une marchandise » et qu’« une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale », ce texte, qui introduit la notion de « sécurité économique », revêt une singulière actualité aujourd’hui...
      Mais cela ne dura pas
  Peu à peu, de glissements en glissements, surtout depuis les années 70, la logique inverse s'est imposée, sous l'influence d'un courant de pensée néolibérale et d'initiatives politiques mettant en question le rôle régulateur de l'Etat.
            ... Alain Supiot retrace comment l’« esprit de Philadelphie » a aujourd’hui cédé la place à son exact contraire, sous l’influence de la contre-révolution ultra-libérale anglo-américaine et de la conversion des ex-pays communistes à l’économie de marché. Mise en œuvre à partir des années 1980 aux états-Unis et au Royaume-Uni, la doctrine ultra-libérale s’est ensuite répandue dans tous les pays occidentaux. Elle s’est attachée à défaire méthodiquement les acquis du programme du Conseil national de la Résistance. Elle a opéré une privatisation de l’état-providence et une mise en concurrence à l’échelle internationale des travailleurs, des droits et des cultures. Le principe de justice sociale a disparu de l’agenda de la globalisation à la faveur de la conversion des régimes communistes à l’économie de marché. La privatisation des produits ou services qui, comme l’électricité, le gaz, la poste, les autoroutes, les chemins de fer, répondent à des besoins également partagés par toute la population et dont l’entretien s’inscrit dans un temps long qui n’est pas celui des marchés, apparaît comme une régression, après leur nationalisation dans l’après-guerre. L’auteur déplore la course au « moins-disant » social qui est à l’œuvre dans le monde globalisé d’aujourd’hui. Démontant les mécanismes de cette transformation vécue par le monde depuis quelques décennies, il fustige la doctrine du « New Public Management », selon laquelle les états doivent être soumis aux mêmes règles de fonctionnement que les entreprises opérant sur des marchés concurrentiels. Il montre aussi que la « responsabilité sociale des entreprises » promue depuis quelques années n’est qu’un leurre : sans responsable clairement identifiable, sans organisation susceptible de demander des comptes et sans tiers devant qui répondre, cette responsabilité n’en est en fait pas une.
____ L’auteur oppose à ce mouvement ultra-libéral actuel les principes humanistes et sociaux contenus dans la Déclaration de Philadelphie, et met en avant l’importance du principe de solidarité, affirmé pour la première fois par l’Afrique dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en 1981. Ce principe a été repris par la Charte européenne des droits fondamentaux adoptée à Nice en 2000...
       L esprit de philadelphie  s'en est allé, avec les conséquences que l'on connaît aujourd'hui.
Le marché total s'est imposé, adopté finalement par Bruxelles, suivant les principes de l'OMC, sorte de nouvelle bible  qui  mène aujourd'hui l'UE au bord de l'implosion. Déjà avant Maastricht et Lisbonne, Pierre Mendes-France critiquait le traite de Rome le 18 janvier 1957.                                                                                                                       Comme l’avait proclamé Reagan, lui aussi en ricanant, « Les pouvoirs publics [government] ne sont pas la solution mais le problème ». Aujourd’hui, ces pouvoirs publics, l’État ne sont plus un recours, un outil de régulation mais un objet de prédation, comme lorsqu’il a servi à renflouer les banques ou les assureurs faillis. Dans la même optique, les groupes de pression médicaux tirent l’essentiel de leurs revenus de prélèvements obligatoires, mais n’acceptent aucune contrainte en contrepartie. Mieux (ou pire), on a vu que lorsqu’ils ont perdu leur emploi, les traders londoniens, qui avaient mis le système en faillite, avaient pu, « en application du droit social communautaire, percevoir des caisses françaises de chômage auxquelles ils n’ont jamais cotisé, des indemnités représentant quatre fois le montant du plafond de la sécurité sociale. »
     L’accroissement de la production et du commerce est une fin en soi qui ne peut être atteinte que par une mise en concurrence généralisée de tous les hommes dans tous les pays. Pour les libéraux (" socio " ou pas), toute différence autre que monétaire doit être abolie, d’où le programme de démantèlement des statuts professionnels et des services publics. L’activité des travailleurs, leurs rémunérations, les " charges " , sont inscrites au passif des entreprises.

   Supiot s’attarde sur une donnée tellement évidente qu’elle n’est jamais prise en compte : pas plus la Commission de Bruxelles que l’OCDE...
   Les États doivent être gérés sous l’égide du New Public Management, donc être soumis aux mêmes règles de fonctionnement que les entreprises opérant sur des marchés concurrentiels. Les indicateurs conçus par l’Union européenne tiennent pour négligeable la précarisation de l’emploi, privilégient l’" employabilité " (concept popularisé par le social-libéral Tony Blair dès 1996) au détriment de la capacité des travailleurs.   
___ Ce sont  les principes de Thatcher, de Reagan, héritiers de la pensée de Hayek et de l'école de Chicago, celle de Milton Friedmann en particulier, qui finirent par devenir la règle dite incontournable (TINA: pas d'alternative!...) 
        Supiot met en avant la possibilité d'une conception alternative de la mondialisation ainsi établie.
  C'est sur ce point que l'auteur mérite d'être discuté, après avoir été lu avec attention.
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