C'est même devenu un événement central dans la vie d'un enfant.
Les cadeaux, les copains la fête. Du moins dans nos sociétés d'abondance.
Rien de tel encore il y a une soixantaine d'années, dans nos campagnes traditionnelles.
On le fêtait moins dans la vie rurale d'autrefois: juste un petit mot gentil, le plus souvent maternel, quand on y pensait...
Le cérémonial d'aujourd'hui est en fait une invention toute récente.Comme le remarquait déjà le sociologue Durkheim,
De nos jours il est devenu incontournable. Il s'est banalisé à force d'être entré dans la sphère commerciale.
D'abord l'enfance n'avait pas l'importance qu'elle a maintenant, jusqu'au 18° siècle. En gros, la période de Rousseau.
On n'oubliera pas que la catégorie d'enfant, au sens sociologique, n'existait pas, jusqu'à cette époque.
Les repères chronologiques furent longtemps plus que flous, l'état civil est assez récent et surtout c'était la mort qui constituait la vraie naissance, dans la communauté des croyants.
Pendant de nombreux siècles, l'Occident a occulté cette fête rappelle le médiéviste JC Schmitt
Au XVI° siècle, un petite changement se produit, mais assez exceptionnel et socialement marginal...
"En France, la fête est épisodiquement attestée au XVIIe siècle dans l’aristocratie. Dans une lettre à sa fille, en 1680, Madame de Sévigné fait mention de bouquets de fleurs et de vers offerts à un vieil abbé le jour de ses 74 ans. Le jeune Louis XIII n’a même pas cette chance. Il ne semble pouvoir obtenir en ce jour particulier qu’un Te Deum et la possibilité de ne pas faire ses exercices scolaires. Et encore, seulement jusqu’à ses 12 ans.
... La manière quasi spontanée dont nous pensons à célébrer notre anniversaire et celui de nos proches nous fait oublier la complexité des conditions intellectuelles requises par une telle opération. Il faut, pour commencer, avoir les moyens de connaître le jour exact de sa naissance, avoir la possibilité de l’enregistrer d’une manière ou d’une autre, si possible par un acte écrit et mieux encore officiel, comme c’est le cas aujourd’hui en France, depuis la Révolution, grâce à l’état civil. Cependant, nous savons d’expérience qu’une mémoire familiale façonnée suivant un rythme annuel peut suffire à rappeler en temps voulu l’anniversaire des enfants, des parents, des amis les plus proches, sans avoir à se référer à chaque fois à un acte officiel ni même à un agenda personnel.
Il
faut ensuite se préoccuper de la succession des années et de la place
parmi
elles de l’année de sa naissance, ce qui suppose non seulement
l’existence d’un
calendrier, qui fixe la durée et les parties (mois, jours) de l’année,
mais la connaissance du millésime et un consensus quant au moment où
l’année change. On
sait à cet égard combien les pratiques médiévales ont été diverses et
fluctuantes.
Longtemps, les individus, y compris dans les plus hautes sphères de la
société,
n’ont connu qu’approximativement l’année de leur naissance. Jacques Le
Goff le
note à propos de Saint Louis,, dont on suppute l’année de la naissance à partir
des sources relatives à sa mort, en 1270, « dans sa 56e année » ou « à cinquante-six
ans » : 1214 ou 1215 ? En revanche, on sait précisément par Joinville qu’il naquit
« le jour de la Saint-Marc », donc un 25 mars, cette fête étant célébrée par la
procession de croix-noires; ce détail rituel apparut a posteriori
au chroniqueur
comme le présage d’une vie placée sous le signe de souffrances (les
épreuves de
la croisade et de la captivité) et d’une mort (le quasi-martyre de
Tunis) qui assimilaient le saint roi au Christ. Il fallait une raison
forte pour que l’on se préoccupât
non seulement du jour de la naissance (identifié à la fête du saint du
jour ou à une
fête religieuse, et non au nombre ordinal du jour dans le mois), mais de
l’année :
ce fut le cas pour le grand-père de Saint Louis, Philippe-Auguste, qui
naquit dans
la nuit du 21 au 22 août 1165, une précision exceptionnelle due au fait
que ses
parents, le roi Louis VII et son épouse Adèle de Champagne,
désespéraient d’avoir
un héritier vingt et un ans après leur mariage : ce fut « l’enfant du
miracle »
Pour se préoccuper de l’anniversaire, il faut aussi avoir les capacités intellectuelles et matérielles de compter les années écoulées et de les additionner. Au Moyen Âge, la connaissance approximative de son âge est de règle dans toutes les couches de la société, d’où la formule consacrée, bien connue des médiévistes : tel âge « ou environ ». Elle est la règle notamment dans les interrogatoires de justice. Mais, comme le remarque Claude Gauvard, cette formule peut relever du principe de précaution au moins autant que d’une méconnaissance complète de son âge : plutôt que de risquer d’être accusé d’avoir déclaré un âge faux (dans l’espoir de bénéficier d’une grâce), mieux valait s’en tenir à une prudente approximation
Pour se préoccuper de l’anniversaire, il faut aussi avoir les capacités intellectuelles et matérielles de compter les années écoulées et de les additionner. Au Moyen Âge, la connaissance approximative de son âge est de règle dans toutes les couches de la société, d’où la formule consacrée, bien connue des médiévistes : tel âge « ou environ ». Elle est la règle notamment dans les interrogatoires de justice. Mais, comme le remarque Claude Gauvard, cette formule peut relever du principe de précaution au moins autant que d’une méconnaissance complète de son âge : plutôt que de risquer d’être accusé d’avoir déclaré un âge faux (dans l’espoir de bénéficier d’une grâce), mieux valait s’en tenir à une prudente approximation
Outre
l’énoncé des conditions nécessaires pour que l’anniversaire de la
naissance des individus soit connu ou même célébré, il convient aussi de
s’interroger
sur les facteurs qui ont pu faire obstacle à de telles préoccupations à
l’époque
médiévale. Le premier obstacle, le plus important sans doute, est
illustré par le
fait que, pendant tout le « long Moyen Âge » (et jusqu’à aujourd’hui
dans la langue
liturgique), anniversarium et souvent même dies natalis ne désignent pas l’anniversaire de la naissance, mais celui du jour de la mort C’est ce jour qui seul importait
en vérité, celui de la « vraie naissance », de l’entrée par la mort dans la « vraie vie »
de l’au-delà et du salut tant espéré. D’où les pratiques de commémoration des
défunts (memoria), consistant en premier lieu à inscrire le nom du mort au jour de
son trépas (obit) dans un nécrologe ou un obituaire, afin que les moines et les clercs
affectés à ce service puissent toutes les années futures, moyennant rétribution,
prier ce même jour pour le défunt et dire des messes prescrites par son testament
ou par la volonté de ses héritiers. C’est la pensée de la mort et des morts, non celle
de la naissance, qui a inspiré aux hommes du Moyen Âge l’attention au cycle
récurrent des années. Notons ici une profonde différence entre l’arithmétique
nécrologique (la « comptabilitéde l’au-delà » dont a parlé Jacques Chiffoleau et
celle de l’anniversaire au sens moderne du terme : la première consiste à épuiser
progressivement un capital spirituel (et matériel) au fur et à mesure que les années
passent et que le souvenir du défunt, peu à peu, s’estompe : telle est la forme
institutionnelle du long « travail du deuil » La seconde, la logique de l’anniversaire de la naissance, consiste au contraire à accumuler les années, à augmenter
tous les ans l’âge d’une unité supplémentaire (toute soustraction étant impossible
puisqu’on ignore par définition le moment à venir de sa mort)...
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