Un voix dissonante
Lire Saskia Sassen
Qui nous invite à repenser la mondialisation, telle qu'elle s'est mise en place, dans le cadrd'un libre-échangisme dérégulé néolibéral.
Une mondialisation loin d'être "heureuse"...
. .. Plus notre capacité à créer de la richesse s’est accrue, [dit-elle],plus
la pauvreté s’est radicalisée. 2 milliards d’individus vivent dans une
précarité extrême et ne possèdent rien d’autre que leur propre corps. La
classe moyenne s’appauvrit et les plus pauvres sont de plus en plus
fragilisés. La Chine a, bien sûr, créé une vaste classe moyenne, mais
déjà on voit émerger une séparation nette entre 20 % de cette nouvelle
classe qui devient de plus en plus riche et ceux qui restent à un niveau
très modeste. Aux Etats-Unis, une critique de ces inégalités
croissantes est récente et le livre de l’économiste Thomas Piketty ["le Capital au XXIe siècle", Seuil, ndlr], qui a eu un fort retentissement outre-Atlantique, est tombé à point nommé dans ce débat....
Dans la seconde partie du XXe siècle, l’économie a intégré
le plus grand nombre, a créé une classe moyenne solide. Aujourd’hui, la
logique de privatisations, de dérégulation et d’ouverture des
frontières portée par les grandes entreprises développe une dynamique
qui exclut…
On pense à ces familles américaines qui ont perdu leur maison avec
la crise financière de 2008 et, plus généralement, aux travailleurs
pauvres mis hors de chez eux faute de loyer payé…
En Occident, l’exemple courant est celui des travailleurs à faible
revenu et des chômeurs qui perdent protection sociale et allocations
chômage. Aux Etats-Unis, 14 millions de ménages ont été chassés de leur
maison après la crise de 2008 : les crédits d’accession à la propriété
avaient été transformés en produits financiers à haut risque. Ce sont
aussi les millions d’agriculteurs expulsés de leurs terres en raison
d’un fort mouvement spéculatif : plus de 200 millions d’hectares ont été
acquis par des investisseurs ou des gouvernements étrangers
depuis 2006.
D’une certaine façon, la Grèce est emblématique de cette
dynamique. Dans leur brutalité simple, les plans d’austérité imposés par
les institutions internationales expulsent de façon massive et rapide
les classes moyennes, modestes ou pas, de leur emploi et des services
médicaux ou sociaux, et plus largement de leur foyer. Le programme
d’austérité de l’Union européenne a forcé les Etats à vendre sur le
marché international et à bas prix une grande proportion de bâtiments
nationaux qui avaient de la valeur. C’est une forme de «nettoyage
économique». C’est évident quand on voit la vitesse à laquelle les
investisseurs internationaux achètent…
Il y a une logique commune mais elle est encore conceptuelle et
souterraine. Aujourd’hui sont à l’œuvre ce que j’appelle des «formations
prédatrices». Il ne s’agit plus de dire que des personnes très riches
s’arrogent fortune et pouvoir, nous avons plutôt affaire à des entités
qui comprennent aussi bien des éléments humains que non humains, comme
les logiciels de la finance. Ces formations sont des assemblages
d’agents économiques puissants, de marchés, de technologies et de
gouvernements. Ce ne sont plus simplement des individus et des
entreprises les plus riches ou des gouvernements les plus puissants.
Ces formations incorporent quelques éléments de chacun de ces mondes.
Il ne suffit donc plus d’éliminer les riches pour combattre les
inégalités ! Nos économies politiques avancées ont créé un monde où la
complexité a trop souvent tendance à générer une brutalité primaire. Par
exemple, la complexité croissante des instruments financiers produits
par de brillants chercheurs en finances aboutit à des prêts
hypothécaires à haut risque dont la complexité engendre quelques années
plus tard l’expulsion de millions de personnes de leur logement… La
complexité et le progrès techniques servent des causes d’une simplicité
brutale. Loin des gouvernements nouvellement endettés ou appauvris par
l’évasion fiscale, se trouvent la fortune et les profits démultipliés
des grandes entreprises...."
Mais la complexité, comme la cupidité ( Stiglitz) sont-ils des éclairages suffisants pour rendre compte des dérives d'une mondialisation selon l' OMC?
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