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mercredi 3 février 2016

Voir et être vu

Pulsion scopique en question
                         Vision et perversité
                                                       Dans un article très éclairant, Ignacio Ramonet se penche sur un problème aussi ancien que courant, aussi peu conscient que généralisé, en essayant de clarifier la logique trouble et souvent perverse sous-jacente à des pulsions à l'oeuvre, notamment dans les diverses formes de voyeurisme ou de volonté de surveillance.
   Un phénomène au carrefour du quotidien, du social et du politique, relevant en partie de la psychologie des profondeurs. Difficile à élucider mais maîtrisable, du moins partiellement, par prise de conscience.
      Dans un dialogue avec François Truffaut, Hitchcock expliquait : « Oui, l’homme était un voyeur, mais est-ce que nous ne sommes pas tous des voyeurs ? »...
  A la pulsion scopique de voir, de surveiller, d’espionner correspond, en contrepoint, son contraire : le goût impudique de se montrer. Et celui-ci, depuis l’essor d’Internet, a connu une sorte d’explosion par le biais, surtout, depuis 1996, des webcams...Par ailleurs, dans les programmes de la télévision ordinaire américaine, dès le début des années 2000, des émissions dites de trash TV, ou « télé poubelle », s’étaient multipliées, qui présentaient des personnes évoquant, sans nulle pudeur, leurs problèmes les plus intimes ou leurs passions les plus occultes....C’est désormais sur les réseaux sociaux que des millions de personnes livrent publiquement des détails personnels de leur biographie ou de leurs activités quotidiennes. En toute insouciance. Elles ne semblent pas inquiètes de s’équiper elles-mêmes ainsi d’un bracelet électronique virtuel qui permet aux nouveaux Big Brothers de les suivre à la trace. Tandis que des machines, quelque part, accumulent sur elles une quantité de données infinie. Cette nouvelle conception de l’identité est sans doute aussi ce qui pousse des milliers de gens à s’enrôler, auprès de différents services de police, comme indicateurs volontaires....Au Royaume-Uni, l’entreprise Internet Eyes a lancé, en 2009, une initiative semblable, proposée comme une sorte de jeu ouvert à tous les internautes. L’objectif, là encore, est de surveiller des commerces et des rues, et de traquer les éventuelles infractions. Pour participer et adhérer au réseau, les volontaires doivent payer une petite redevance mensuelle. Une fois leur identité vérifiée, ils ont accès aux images de quatre caméras de surveillance qui s’affichent sur leur ordinateur...
   L’une des perversions de nos sociétés de contrôle est bien celle-là : faire que les citoyens soient, en même temps, surveillés et surveillants. Chacun doit épier les autres, pendant qu’il est lui-même espionné. Dans un cadre démocratique où les individus sont convaincus de vivre dans la plus grande liberté, on avance ainsi vers la réalisation de l’objectif rêvé des sociétés les plus totalitaires..."
       La propension à la surveillance généralisée nous guette, parfois avec les meilleures intentions du monde.
    Le phénomène des périscopeuses est une des formes actuelles d'un narcissisme/voyeurisme qui peut prendre des formes les plus variées, à l'heure de la communication immédiate et mondialisée. 
::La pulsion scopique est sans doute une des plus archaïques et difficiles à maîtriser, dont la conscience est problématique, tant le déni (refoulement) est puissant.
   Certaines formes de tourisme peuvent entrer dans cette catégorie,  comme celle qui pousse les regards morbidement vers la vie privée des autres ou, pire, vers les lieux d'un accident grave récent.
   On a pu parler de pornographie de la violence à propos de la tendance à soumettre au regard inconsciemment jouisseur des scènes parfois insoutenables, même si toutes les images violentes n'ont pas toujours les conséquences qu'on leur prête, selon Tisseron.
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