Au pied du mur
Les incantations sur la reprise paraissent bien vaines.
Comme soeur Anne, on ne voit rien venir...
Les rustines et les sparadraps n'auront que des effets limités. S'ils en ont..
Le problème ne se réduit pas à l'Hexagone car les économies sont interdépendantes.
A sa création, il fut question en Europe de convergence, de politique concertée de grands travaux, notamment dans le domaine de l'énergie, des infrastructures.
Mais finalement, chacun joue sa petite musique de son côté, souvent au dépens des autres ou essaie de sauver ses meubles.
Il est plus que temps de revenir à l'inspiration initiale, de créer une inversion, de mettre sur pied une nouvelle politique économique. (NEP)
Il y a une alternative, contrairement à ceux qui ne voient l'austérité que comme seule voie possible. C'est le statut de l'euro-mark, qui joue au détriment des pays hors de la logique de l'ordolibéralisme cher à Berlin, qui est aussi en cause. Stiglitz et Krugman, entre autres, ont analysé l'absurdité de cette position, potentiellement suicidaire.
D'où l'appel urgent de 80 économistes pour;sortir de l’impasse économique, dont on se demande s'ils sera entendu, à Bercy, comme à Frankfort.
En voici les termes:
Il est possible de réenchanter l’avenir, y compris en matière
économique. Tel est le sens de cet appel. La gravité de la situation
l’exige : nous tenons aujourd’hui à souligner ensemble en tant qu’économistes – par-delà nos sensibilités très diverses – que des alternatives crédibles existent pour sortir de l’impasse.
Le chômage, la précarité, la difficulté à boucler
ses fins de mois, marquent la vie de millions de nos concitoyens. Aux
souffrances de la vie matérielle s’ajoutent la perte d’espérance, le
sentiment que l’avenir est bouché pour notre pays et nos enfants. Les
élections régionales ont, après bien d’autres, sonné l’alarme. Les
causes de la désespérance sociale ne sont pas qu’économiques, mais nul
espoir ne renaîtra si la donne ne change pas en la matière.
Que faire ? Les partisans du libéralisme économique plaident pour réduire plus drastiquement encore la dépense publique, démanteler le droit du travail, remettre en cause la pourtant si indispensable réduction du temps de travail et diminuer le coût du travail par la compression des salaires et des prestations sociales. Cette thérapie de choc a été appliquée e, Europe du Sud (Espagne, Grèce, Portugal..). Elle y a entraîné un effondrement de l’activité, une explosion du chômage et de la pauvreté.
La dette publique elle-même s’est fortement accrue, la réduction du
produit intérieur brut (PIB) entraînant spontanément une contraction des recettes
et une hausse du rapport dette sur PIB. Les pays européens sont ainsi
engagés dans une course mortifère à la compétitivité par l’austérité
dont l’objectif se résume à prendre des parts de marché et des emplois aux pays voisins.
Il est temps d’abandonner cette politique qui conduit à l’enlisement sans fin dans la crise. Pour répondre à l’urgence économique et sociale, redonner espoir aux classes populaires, nous proposons à nos concitoyens, aux
mouvements associatifs, syndicaux et politiques d’ouvrir un débat sur la
mise en œuvre d’un plan de sortie de crise autour de trois volets.
_________Un nouveau pacte productif à la fois écologique et social
Les besoins ne manquent pas : investissements pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre (rénovation thermique des bâtiments, transports collectifs, énergies renouvelables…) ; construction de logements ; programmes urbains afin de mettre fin aux ghettos, de refaire mixité et égalité ; nouveau pacte social en faveur de l’éducation, de l’hôpital, de la culture, de la sécurité et de la justice ; aide aux personnes en perte d’autonomie et accueil de la petite enfance. Non délocalisables, ces activités permettraient de créer des centaines de milliers d’emplois. Autour d’elles, il est possible de retrouver le chemin d’un nouveau type de plein emploi avec des emplois de qualité, sans discrimination selon le sexe ou l’origine.
Il est de temps de remettre en cause ces règles néolibérales qui ont fait de l’Union européenne le grand malade de l’économie mondiale
La reconstruction sur de nouvelles bases de notre économie suppose de
sortir de la logique du mépris généralisé. Des chômeurs soupçonnés
d’être responsables de leur situation, alors que c’est l’organisation
défaillante de l’économie qui est fautive. Des pauvres suspectés d’être
un fardeau social, alors que la société ne leur alloue que de faibles
ressources. Des fonctionnaires accusés de n’être pas productifs, alors
qu’ils contribuent au PIB et que leur production, les services publics,
permet de réduire massivement les inégalités. Des travailleurs du privé
accusés d’être des nantis indûment protégés par le droit du travail,
alors que les conditions de travail sont de plus en plus difficiles.
Cette reconstruction exige la mobilisation de l’ensemble de la société. Les services publics qui demandent àà être
pleinement réhabilités afin que les fonctionnaires assument mieux leurs
missions d’intérêt général, de façon moins bureaucratique, en associant
les usagers. L’économie sociale et solidaire, indispensable pour le développement
de biens communs, pour que l’économie collaborative et du partage qui
se développe ne soit pas synonyme d’« uberisation », de précarité
aggravée.
Les entreprises,
où les collectifs de travail, avec des salariés d’autant plus impliqués
qu’ils sont respectés et reconnus, doivent être reconstruits contre les
logiques financières et spéculatives qui dominent aujourd’hui la
plupart des grands groupes et écrasent les sous-traitants. Les cadres
dirigeants, les chefs d’entreprise, souvent étranglés par les exigences
des banques et des actionnaires, doivent ss dissocier de la stratégie agressive du Medef pour s’inscrire pleinement dans la transition écologique et sociale.
______Un programme de soutien à l’activité et à l’emploi
Les enquêtes auprès des entreprises le montrent, ce sont avant tout
les carnets de commandes dégarnis qui bloquent l’activité, l’emploi et
l’investissement. Les besoins ne manquent pourtant pas, nous venons de
le voir. Afin de les satisfaire ,
nous proposons un programme de soutien de 40 milliards d’euros par an,
financé pour une part par le redéploiement de sommes consacrées au pacte
de responsabilité, dont l’échec en matière d’emploi et d’investissement
est patent, pour une autre part par un recours à l’endettement, à
l’instar de ce que n’ont pas hésité à faire les Etats-Unis.
_____Les règles européennes ne permettent pas ces politiques de relance
C’est le dernier volet : il est temps de remettre en cause ces règles
néolibérales qui font que l’Union est devenue le grand malade de
l’économie mondiale. L’excédent commercial de la zone euro s’élève à 3 %
de son PIB, ce qui témoigne d’une demande interne clairement
insuffisante. Cela justifie une hausse des salaires et des prestations
sociales, en particulier de l’ordre de 10 % pour les bas revenus.
Cette hausse devrait être plus importante dans les pays qui accumulent des excédents commerciaux excessifs (8 % du PIB en Allemagne deux fois plus qu’en Chine.
L’introduction de l’euro dans des économies hétérogènes et sans
mécanismes correcteurs a conduit à des déséquilibres majeurs. L’euro est
de facto sous-évalué pour l’Allemagne, surévalué pour les pays d’Europe
du Sud dont la France. Les règles néolibérales actuelles demandent à ces derniers de regagner
en compétitivité par la déflation interne (baisse des salaires et des
dépenses publiques), ce qui alimente leur récession, et partant limite
leurs investissements et donc leurs possibilités de redressement.
C’est l’inverse qu’il convient à présent de promouvoir : la hausse
des dépenses dans les pays excédentaires permettrait de réduire par le
haut les déséquilibres commerciaux et ds juguler les pressions déflationnistes que la Banque centrale européenne ne peut contrecarrer
seule. Au-delà du plan Juncker, qui n’est quasiment pas financé, un
véritable plan d’investissement européen, centré sur la transition
écologique et déployé de façon plus ample dans les pays en difficulté,
doit enfin voir le jour.
La France doit proposer
cette réorientation à ses partenaires européens et notamment à
l’Allemagne (laquelle vient déjà d’engager plus de 10 milliards d’euros
afin d’accueillir les réfugiés). En cas de blocage, elle devra proposer
aux pays qui le souhaitent (le Portugal, la Grèce mais aussi d’autres,
dont l'Italie
et l’Espagne, ces quatre pays représentant avec la France plus de 50 %
du PIB de la zone euro) de s’inscrire dans un pacte de reconstruction
faisant primer l’urgence économique et sociale sur les règles néolibérales.
Accompagnée de mesures visant à réorganiser drastiquement les banques, à rompre
avec la finance libéralisée et le dumping fiscal et social, y compris
au sein même de l’Union, cette stratégie est la seule à même de refaire
l’Europe.
La France meurtrie a besoin d’un nouvel horizon. La sortie du sombre
tunnel politique dans lequel elle est engagée ne passe pas uniquement
par l’économie. Mais elle restera hors de portée si l’on s’acharne à poursuivre des politiques néolibérales qui creusent les inégalités, alimentent le désastre social. Il est temps de mettre en œuvre une politique économique alternative.
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